Lieu de l'émancipation, de la critique et du débat démocratique, que peut la bibliothèque dans un monde troublé ?
Le 18 novembre dernier, j'ai été invitée par la ville de Genève à participer à leur colloque des bibliothèques qui avait pour thématique : « Enjeux politiques et sociétaux, wokisme, censure, pression, le fragile équilibre entre neutralité et militantisme en bibliothèque ».
Merci à l'équipe organisatrice pour cette invitation à partager mes petites réflexions sur la bibliothèque et son rôle politique dans les temps et/ou les territoires troublés. Le titre de mon intervention était donc le suivant : "Lieu de l'émancipation, de la critique et du débat démocratique, que peut la bibliothèque dans un monde troublé ?".
Je vous en partage ici le texte. Celui ci a été écrit pour être dit et non pour être lu. Certains bouts n'ont même pas été rédigés, parce que ce sont mes notes et pas un articl. La grammaire, l'orthographe et tous les soins de finition n'ont pas été faits, à la fois parce que je n'avais pas prévu de le donner à lire et parce que j'ai horreur des finitions. Cependant, comme quelques personnes m'ont demandé le texte pour s'y replonger, ou parce qu'elles n'ont pas osé me dire que je parlais beaucoup trop vite, voici ce texte imparfait et à peine fini. Et ce pour les raisons évoquées, mais aussi parce que ce sont des questions autour desquelles je tourne de projet de recherche en projet de recherche, de conférence en conférence, et qui sont loin d'être stabilisées pour moi. Pour exemple, je parle de dignité en m'assurant de ne rien définir, parce que je cherche et me cherche encore sur ces questions. A suivre...
Bref, après ces multiples précautions, voici le texte. Bonne lecture !
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Lieu de l'émancipation, de la critique et du débat démocratique, que peut la bibliothèque dans un monde troublé ?
Introduction
Bonjour,
Je remercie les organisateurs pour leur invitation et je vous prie de m'excuser de ne pouvoir être en présentiel avec vous.
A la petite bio qui vient d'être faite [par Michel Gorin qui venait de me présenter], je voudrais ajouter ou plutôt insister sur quelque chose avant de commencer. Je suis française ! Non pas que je considère ça comme une forme de déficit en soi, mais parlant aujourd'hui à des collègues d'un pays avec lequel je partage une des langues, celle des personnes de cette salle, ne me fait pas oublier que ce pays diffère du mien dans la forme d'exercice de la démocratie, dans son histoire, dans son organisation institutionnelle, etc. Bref, je parle depuis la France physiquement [j'étais en visio], mais aussi en un sens intellectuellement. Pour autant, je connais un peu la Suisse, pour y être intervenue un certain nombre de fois ; aussi, pour la conférence d'aujourd'hui, si je suis repartie d'une conférence donnée il y a quelques mois à Toulouse sur le même sujet, je l'ai augmentée de nouvelles considérations développées depuis, mais aussi de remarques pour pointer ce qui parfois relève ou pas de la seule expérience française ou qui peut devenir expériences internationales.
Ce prélude fait, je voudrais vous parler un peu d'émancipation et de trouble.
La bibliothèque émancipatoire : une affaire de mots
En début d'année 2025, David Lankes a publié un texte sur la situation américaine et les bibliothèque. Il y dit en substance : ils n'ont pas fermé les bib, mais ont mis à leur tête des gens qui se servent de la bibliothèque pour faire passer leurs idées, leurs valeurs. En parallèle, nous avons tous vu passer la liste des mots interdits pour les financements de la recherche. Et vous avez peut-être vu passer l'info que les pages Tribunes du Washington post ont été fermées à d'autres opinions que celles que son propriétaire Jeff Bezos considère comme bonnes. Dès qu'il y a une crise, les bibliothèques, les universités et les journaux sont les premiers à se voir censurés, limités. Pourquoi ? Parce que ce sont des lieux de parole et des lieux de mots ! La science, la culture, la presse travaillent avec les mots pour interroger le monde.
Rancière a écrit dans un de ses textes que :
"L’homme est un animal politique parce qu’il est un animal littéraire (…) : premièrement parce qu’il dispose du pouvoir de mettre en circulation des mots en plus, des mots dont il n’a pas besoin, des mots qui sont en excès par rapport à des besoins de désignation exacte des choses ; deuxièmement parce que ce pouvoir lui est sans cesse contesté par les maîtres des désignations et des classifications, lesquels, pour révoquer ce pouvoir, nient purement et simplement cette capacité parlante." (Rancière, 2009).
Interroger le monde, la société, c'est ce que les gouvernements autoritaires ne tolèrent pas. Les mots, et leurs jeux, sont des explorations de mondes, on peut penser le monde d'hier, mais aussi celui de demain. Pire que cela, les mots restent, se gravent, et il est difficile de les faire disparaître, sauf à les brûler, ce qui explique le nombre de bibliothèques détruites dans les zones de conflit qui sont aussi des zones d'expression d'un ordre.
Au fond, ce que permettent les mots et les institutions qui les produisent et les font circuler, et parmi elles les bibliothèques, c'est de rendre possible une certaine liberté, qui s'exprime d'abord dans la capacité à entendre les jeux, et par jeux je veux dire ici les flottements, les interstices tacites ou non, qui s'opèrent entre les mots. Lire ces interstices demande de pouvoir regarder entre les mots et au-delà des mots et cela demande aussi de pouvoir lier les mots entre eux. On comprend alors que pour des gouvernements autoritaires, il n'y a rien de pire que des lieux qui lisent et mettent en lien les mots, au risque de donner aux citoyens un regard plus aiguisé, plus éclairé, n'ayons pas peur des mots, plus critique sur ce qui est nous est donné à lire, voir et entendre.
Je parle de relire et relier, mais en vérité, il s'agirait plutôt de démêler, non pas tant le vrai du faux (je fais partie de ces personnes que la notion de vérité n'a pas totalement convaincue), mais de démêler des noeuds de mots pour savoir lesquels font partie de quelle pelote. C'est le prélude à toute action. S'il est impossible de tricoter des noeuds, en revanche, tricoter, c'est faire des noeuds, de nouveaux noeuds que l'on choisit de dessiner. La bibliothécaire en tricoteuse ! Ce n'est pas pour rien que mon pseudo à l'époque de twitter était knit&bib !
Mais alors comment faire, comment incarner la bibliothèque comme tricoteuse et productrice d'interstices entre les mots ? Mais comment s'assurer que nos mots, ceux auxquels on donne accès en bibliothèque sont des mots qui ouvrent plutôt que des mots qui ferment la pensée, les actes ?
Des mots, rien que des mots
David Lankes parle de la mission des bibliothèques comme de faire advenir des conversations. Notre premier rôle de révélateur d'interstices se passe évidemment dans nos collections, dans la sérendipité que nous permettons grâce à ce que nous décidons de mettre en regard sur les étagères. Ce travail est essentiel, il est ce pourquoi les gens viennent à la bibliothèque plutôt que dans un café, ou dans une gare (vous aurez remarqué que les gares sont de plus en plus chouettes pour travailler). L'importance de la documentation a encore été montrée dans la dernière enquête Sentobib menée en France en 2024.
Vous me direz, alors ça va ! On fait déjà ce qu'on doit faire ! Oui, et non. Le fait que les bibliothécaires (au sens générique) ne soient pour une grande majorité, pas formés dans le cadre de l'accession au métier, et le fait qu'on a essuyé quand même 10 bonnes années d'un discours faisant de l'animation le coeur de la bibliothèque contre la documentation n'a pas aidé. Heureusement, je crois que ce discours s'efface, mû par une réalité de terrain et aussi par l'expérience covid de la non essentialité. Je vois ainsi des bibliothèques qui remettent les collections et la formation à la politique documentaire au coeur de leurs projets d'établissement, après avoir réalisé que plus personne ne sait faire de politique documentaire.
Or créer une collection, acquérir des ouvrages est plus qu'une démarche technique et qu'une maîtrise professionnelle des budgets, des éditeurs et des statistiques d'emprunt. Créer et maintenir une collection, c'est un engagement éthique. Acquérir n'est pas un jeu, ce n'est pas une tâche mécanique, c'est une tâche magnifique qui demande à être abordée avec un certain sens éthique, car choisir c'est à la fois s'engager avec la société, via l'émancipation des citoyens, c'est tenir le cap contre les statistiques (comme le disait le directeur de la NYPL dans le documentaire de Wisemann, "on a un engagement envers ce qui ne sort pas", il parlait de la poésie), et enfin c'est refuser certains contenus parce qu'ils ne servent pas le projet social, de vie en commun, dans une démocratie telle que celle que nous incarnons dans nos pays respectifs.
Et les animations me diriez-vous ? On n'en fait plus ? Mais si ! D'ailleurs dans Lankes, le fait de proposer des conversations passe d'une part par les collections et d'autre part par les animations et enfin par les questions de littératie. Donc parlons un peu de ces deux derniers points. Ce n'est pas pour occuper les gens qu'on fait des animations. C'est parce que cela relève de cette mission de poser les mots et de les faire vivre comme outils de réflexion et de pensée du monde. Refuser le jeu du plus d'animation, plus de fréquentation... Pourquoi on fait des animations ? Parce qu'on exhorte les usagers à affronter leurs ignorances et parce que tout le monde n'a pas accès à l'information (et à la possibilité de se constituer des savoirs) de la même manière (par la lecture par exemple). A quoi ? Outre les collections, c'est l'accès à des intervenants, des experts, des artistes, etc. qui permet de prolonger les discussions sur les mots et les interstices. A condition de bien savoir qui faire intervenir et sur quels sujets. Il s'agit donc pareillement d'une histoire de choix : choix des contenus présentés et proposés dans les bibliothèques, par les collections ou par les animations.
Ce choix passe sans aucun doute par une bonne connaissance de notre environnement éditorial et de publication. Pour ça il faut connaître aussi : les éditeurs indépendants, ceux qui donnent la parole aux inaudibles, ceux qui travaillent les mots au-delà de leur rentabilité, etc. Cela demande des formations. Il faudrait aussi pouvoir travailler avec des librairies qui ne sont pas les plus fortes sur le marché, mais les plus attentives à la diversité éditoriale.
Nous représentons le monde avec nos documents. Le monde dans toute sa diversité ? ou dans la réalité médiatisée ? Je pense souvent à la bibliothèque nationale de Corée du Nord, c'est une bibliothèque immense, remplie de bouquins, dont l'auteur est principalement leur grand dirigeant. On rigole, mais une bibliothèque en France qui ne proposerait que des documents publiés par les principaux éditeurs de ce pays ne montrerait qu'une partie de ce qui est discuté, des manières de le discuter. Cela vaut pour les essais, mais aussi pour la littérature. Il y a des pans de la réalité qui nous échappent parce que nous les pensons d'une part à l'aulne d'une légitimation éditoriale et d'autre part à l'aulne d'une classification dewey.
Revenons à la diversité éditoriale, On comprendra qu'il convient de proposer des alternatives à ces récits dominants. On a besoin de "démultiplier les récits" (Moussanang, 2024). Comment construire une collection diverse ? Il faut refuser les monopoles de la connaissance et de la créativité et laisser une plus grande place aux récits pluriels. Mais sont ils publiés ? Sont-ils d'ailleurs écrits et sous quelle forme ? Est-ce que nos mode d'édition répondent aux littératures qui ne seraient pas légitimées par l'édition ? On reviendra plus tard sur comment peut-on faire entendre les voix qui sont non publiées, ou qui suivent d'autres chemins d'expression que la publication éditoriale habituelle ?
Quant à la lecture de nos collections à l'aulne d'une classification (dewey ou autre), elle pose la question de ce qu'on relie dans l'espace physique et via le catalogue. Par exemple, qu'est-ce qu'un récit en terme de classification dewey ? Est-ce de la littérature ? Si quelqu'un raconte sa vie en tant que personne racisée, sommes-nous dans la littérature ? Dans un témoignage qui résonne plutôt avec les sciences sociales ? Et même la littérature depuis quand n'est-elle pas aussi exhortation à révéler le monde ? Peut-on lire Tony Morrisson ou L'art de la joie comme de purs objets littéraires ? Le développement des collections de récits ou témoignages dans les bibliothèques m'intéresse beaucoup. Cela me fait penser que l'indexation de la littérature est nécessaire pour faire le lien entre les mots et que le travail de catalogage, qui est encore méprisé et considéré comme pouvant être tout à fait dispensable et automatisable, devrait être repensé pour être remis à sa place : celui d'une vraie capacité à relier les mots, à créer des passerelles, temporaires peut-être, entre des mondes qui parfois ne se croisent même pas. Le catalogue est la clé de ce travail de noeuds et d'interstices. Plutôt que de l'oublier, je pense qu'on devrait interroger les modalités pour que ces catalogues prennent corps et place au sein des espaces physiques, que ces liens se manifestent, que ces passerelles soient visibles.
Lire entre les lignes
Par ailleurs savoir lier les mots signifie aussi une capacité à lire entre les lignes, c'est à dire travailler la relation entre les mots : ce que raconte le mot, ce à quoi le mot est relié, ce qui transparaît dans les interstices.
En mars dernier, des bibliothécaires d'un syndicat français ont publié une liste des concepts et des mots clés des pseudosciences. Une chose que je trouve positive dans le document, c'est qu'il interroge les concepts et leurs liens avec d'autres concepts et il met en évidence ce que des termes, employés assez usuellement masquent. C'est ce qu'on appelle un jargon. Adorno a écrit un texte sur le jargon ; c'était à propos d'Heidegger et du nazisme. Alors qu'est-ce que le jargon ? C'est un ensemble de mots dont la signification et le sens historique se perdent dans un usage devenu systématique au point que l'idée se retrouve toute entière circonscrite à ce mot. Je peux vous donner un exemple, ma fille de 10 ans dit que tout est "stylé", mon neveu du même âge trouve tout "gênant", les gens des startup trouvent leur travail terriblement "disruptif", on invite la société entière à être "résiliente", on trouve que les universités sont un peu trop "woke"... Ce ne serait pas grave, si le jargon ne nous empêchait pas de voir la constellation du mot, l'ensemble dans lequel elle se construit d'un point de vue linguistique et sémiotique et qui en général révèle son vrai sens et les intentions de ceux qui l'ont diffusé, créé, rendu auto-suffisant. Travailler sur les mots, c'est donc apprendre à repérer les constellations, replacer le mot dans son ensemble de mots et dans ses auteurs.
Le document du syndicat dont je parle mène ce travail de démystification des concepts et c'est très précieux. J'aime beaucoup moins dans ce document la liste des éditeurs à éviter, qui a contrario se présente comme un prêt à penser. Le prêt à penser n'est jamais loin du jargon et mieux que les listes qui sont toujours dangereuses, je vous propose mon truc, mon astuce incroyable : LIRE ! Sachez que je n'en peux plus d'entendre : "si quelqu'un dit en entretien qu'il aime lire, c'est rédhibitoire". Pourquoi faudrait-il pour exercer un métier de protection des mots cacher qu'on aime lire ? Si on ne lit pas, comment sait-on ce que recouvrent les mots ? Comment peut-on comprendre les constellations anciennes et actuelles ? Comment peut-on voir ce que portent certaines maisons d'édition plutôt que d'autres ?
Si on veut être neutres, il faut lire. Parce qu'on ne sera neutre, qu'en s'étant fait une opinion libre, pas en écoutant la liste de la municipalité, la liste du syndicat, la liste de Raphaëlle Bats. Anne-Marie Bertrand écrivait déjà à propos des bibliothèques des villes du Front National en 1995 que ce n'est pas tant la censure qui est pernicieuse à long terme que le fait de changer les attentes et les niveaux d'attentes : refus de l'intellectualisme. Et cela vaut pour le métier aussi ! Etre neutre, ce n'est pas être à distance égale de toutes les opinions (comme je l'ai entendu il y 1 mois et demi dans un congrès de bibliothécaires). Non ! C'est être capable de faire tous les liens, de comprendre les constellations, y compris sur les sujets qui ne nous intéressent pas, y compris dans les approches qui ne nous parlent pas et le faire avec honnêteté et intégrité professionnelle. C'est là qu'est la déontologie, dans cette intégrité documentaire qui nous permet ensuite d'évaluer en tant qu'expert de la documentation en démocratie de dire que ce mot, ce concept, cette idée et ce document sont nauséabonds et dangereux pour le groupe social.
Tenir la ligne.
Il faut donc lire entre les lignes, mais aussi tenir la ligne, la droite ligne de l'éthique professionnelle et se rappeler pourquoi et pour qui nous travaillons. Prenons un exemple. Les collections scientifiques dans les bibliothèques sont particulièrement difficiles à constituer, d'abord parce que la majorité d'entre les bibliothécaires n'a pas fait d'étude scientifique, et qu'il n'est pas évident de voir à la seule lecture de la 4ème de couv si l'ouvrage avance des théories scientifiques assurées, innovantes, exploratoires ou totalement fumeuses, voire dangereuses. Une collègue me disait que dans sa bibliothèque, ils avaient des documents sur la lithothérapie, la thérapeutique des pierres, et qu'elle s'interrogeait sur la valeur scientifique de la chose tout en reconnaissant qu'elle n'était pas en mesure de dire ce qu'il en était. En revanche, me disait-elle, ce qui m'importe c'est de m'assurer que cette thérapeutique des pierres n'est pas dangereuse pour la société, qu'elle n'est pas discriminant, qu'elle se contente d'indiquer quelle pierre est bonne pour les troubles de la ménopause et qu'elle ne définit pas à coups de pierre des inégalités entre les citoyens. Elle me disait, si c'est fasciste, si cela reproduit l'idée que le monde est par nature inégalitaire, alors je ne prends pas.
Et voyez-vous, cela me paraît une juste position démocratique, c'est à dire la position normale d'un agent censé travailler à la démocratisation de son pays, donc au refus des inégalités et qui plus est dans une institution qui a toujours fait de la lutte contre l'exclusion sa matrice. La neutralité de l'agent est pour moi respectée. Elle ne défend pas une autre idée que celle d'assurer que la république sociale et démocratique qu'on incarne continue à l'être. Et quand je parle de république sociale et démocratique, je parle de la France où ces mots exacts figurent dans la constitution. Les bibliothécaires ne peuvent faire ce travail de garde-fous qu'à condition de lire et de tenir la ligne claire de ce que nous devons défendre, et pour cela nous ne pouvons être neutres. Je suis neutre envers les pierres, mais pas si les pierres servent à discriminer, auquel je ne suis plus neutre, parce que mon métier est d'assurer l'existence d'une nation à travers la reconnaissance d'individus libres et égaux en droits et en dignité !
Si les bibliothèques invitent à démêler les noeuds de mots, c'est que leur rôle est intensément politique : celui d'inviter à se confronter aux mots (les nôtres pour les artistes et les chercheurs, ceux des autres pour les bib) pour que chacun puisse questionner le monde, et s'émanciper. La bibliothèque est politique, parce qu'un pays sans bibliothèque est un signe politique, parce qu'une bibliothèque qui ferme ses portes à ceux et celles qui n'habitent pas sa ville est un signe politique, parce qu'une bibliothèque qui refuse de donner accès à certains documents ou au contraire en privilégie d'autres est un signe politique, etc. Ceci m'amène aussi à vous dire qu'il y a une différence entre pression et censure, et il y a une différence entre pression pour enlever un ouvrage qui est insultant envers une partie de la population et fait atteinte à sa dignité et pression pour enlever un ouvrage avec lequel on est en désaccord.
Soyons clairs, l'extrême droite veut censurer, non pas par l'interdiction de certains ouvrages, mais pire par l'interdiction de penser par soi-même. Le wokisme, terme qui est insultant et qui vise les personnes de gauche, se réfère à l'idée que certaines idées doivent ne plus être présentes dans les institutions parce qu'elles constituent un rejet de certaines personnes dans la société, des personnes qui ont besoin d'être soutenues par les institutions.
* exemple la question trans et Brigitte Macron
* exemple la décolonisation : le déboulonnage des statues
Plutôt que de parler de wokisme, il s'agit d'éveiller l'attention, de se rendre attentif, de prendre soin et de redonner de la dignité. Les premiers veulent rendre invisibles des idées et des personnes ; les seconds veulent redevenir visibles et cela passe par refuser certains documents qui entrent dans des constellations de rejet et d'exclusion. Au passage, l'inspection des bibliothèques (qui n'a plus ce nom) a mené une enquête sur les censures et les pressions et note que celles-ci ne concernent pas tant les documents que les personnes invitées : on interdit certaines personnes et on en impose d'autres. Des listes, vous dis-je !
Il est certain que devoir enlever des documents parce qu'ils disent quelque chose des rejets actuels, mais aussi historiques qui sont véhiculés dans notre société n'est pas chose facile. D'abord parce que les constellations dont je parle ne sont pas évidentes à voir, quand on a l'habitude de certains discours. Je suis née en 1977 et je peux vous dire que la télé des années 80 était raciste. Un centième de ce qui était considéré comme normal et drôle à l'époque ne pourrait pas aujourd'hui être accepté et c'est heureux. C'est un sujet sur lequel on progresse (mais ce n'est pas gagné ! ) ; c'est aussi facile de regarder en arrière une fois le changement amorcé. Il est plus difficile de voir en temps réel ce qui fait problème à des communautés qui sont tellement rejetées qu'elles sont invisibles, inaudibles et non médiatisées et qu'elles peinent à pouvoir nous faire voir ces atteintes à la dignité qui nous sont aujourd'hui invisibles car normalisées.
Or, tel est le travail du bibliothécaire, savoir observer par delà les lignes des documents, mais aussi de la société. J'ai choisi pour titre : que peut la bibliothèque dans un monde troublé ? C'est une référence à un texte de David Lankes sorti en 2015 qui s'intitulait : Que peuvent les bibliothèques françaises après les attentats de janvier 2015 ? J'ai parlé de trouble, en référence à Donna Haraway, et j'entends par là dire nous ne sommes pas tant en crise que dans un monde qui est nécessairement troublé que nous habitons en tant que citoyens, mais aussi en tant que bibliothécaires. L'habiter nous donne une certaine responsabilité. Quand l'eau est trouble, il est difficile de voir le fond, et de savoir quels sont les chemins à prendre. Mais même quand l'eau est troublé, il y a des signes que nous devons apprendre à lire. C'est d'autant plus dur que la pratique bibliothéconomique est elle même marquée du sceau de l'histoire et de ses troubles. Par exemple, la décolonisation des bibliothèques et des catalogues. Donna Haraway explique que nous ne nous contentons pas d’habiter le trouble, nous sommes aussi le trouble. Elle écrit : « On hérite d’histoires complexes, [il faut] assumer que nous y sommes mais également que nous en sommes.».
Dire qu'on doit lire et se faire une culture politique des mots, c'est aussi dire que nous devons avoir une démarche critique dans l'exercice de notre profession. Elle s'exerce déjà à travers ce qu'on appelle la bibliothéconomie critique, mais à cet égard la bibliothéconomie francophone est assez pauvre, et sans une véritable production critique française, on ne pourra qu'essayer de deviner dans des critiques extérieures ce qu'il nous faudrait et c'est fort dommage, parce que ça nous condamne à calquer des modes d'actions qui ne sont pas forcément adaptés. A nous de penser notre histoire, notamment bibliothéconomique, avec honnêteté. Réussir à penser ce que nous sommes, au regard de ce que nous avons été, nous permettra de faire des choix de ce que nous voulons être ! C'est ça l'éthique !
L'esprit critique
L'esprit critique se manifestera donc nécessairement dans nos collections et dans ce qu'elle dise du monde et de la place de chacun. Il pourra s'inscrire aussi dans les actions de littératie, dont Lankes, toujours le même, considère qu'elles participent totalement de l'action de la bibliothèque pour remplir sa mission. L'agence politique de la bibliothèque s'exprime donc également par un ensemble d'actions destinées à inviter les usagers à muscler leur esprit critique. Attention cependant à ne pas tomber dans le panneau de l'esprit critique dirigé. Ceci me fait penser à Nein Quaterly, qui postait en 2020 sur feu-Twitter la phrase suivante : _« Don’t believe everything you think_ » en la faisant suivre des mots suivants : « _A gentle reminder. From Ideology._ ». De fait, cette exhortation à cesser de croire en ses propres idées est autant libératrice et émancipatoire que manifestation d'un contrôle déguisé. Sous couvert d’aider tout un chacun à faire le point sur l’ensemble des informations qui nous sont données, comme d’ailleurs sur l’ensemble des idées que nous pouvons avoir, il est facile de rappeler constamment aux gens qu’ils ne pensent pas bien. C’est une forme de contrôle assez dangereuse, qui met au cœur du processus de savoir l’adhésion à une vérité, en l’occurrence celle des institutions qui gouvernement et qui se targuent d’être les seuls à avoir en main le gouvernail de la vérité.
Latour écrivait dans "Du bon usage des controverses : « Nous n’allons pas essayer de vous discipliner, de vous faire coller à nos catégories ; nous allons vous laisser déployer vos propres mondes ; ce n’est qu’ensuite que nous vous demanderons d’expliquer comment vous en êtes arrivés à les établir." En d'autres termes, je crois qu'on doit s'intéresser à la manière dont on crée un savoir. La bibliothèque doit s'intéresser aux cheminements épistémiques de chacun et pas à donner accès à une vérité unique.
L'an dernier, au printemps de l'esprit critique 2025, il y avait des ateliers appelés "Entretiens épistémiques" qui s'intéressent aussi à la dimension épistémologique des savoirs. Ce type d'ateliers obligent à comprendre les processus (donc ce que j'ai dit précédemment des constellations autour des mots, des sujets des jeux de mots, des rapports de pouvoir) et écoutent chaque personne dans l'expression qu'elle peut faire (ou qu'elle ne pourra pas faire, mais c'est ce qui est aussi en jeu dans la philosophie) de son parcours de savoir. Le savoir étant pour reprendre les mots de Stiegler, 2014 :
"Le savoir n’existe que parce qu’il est extériorisé, c’est-à-dire transmissible, _et_ intériorisé, c’est-à-dire _singularisé_, en cela réindividué, et ainsi ouvert à son autodifférenciation." (Stiegler, 2014)
Il me semble que ces démarches sont d'une portée bien plus claire et en adéquation avec nos enjeux que d'autres ateliers comme Les ateliers Fake ta news. Honnêtement, je ne vois pas bien le délire de voir que cela peut être de construire des fake news et pire de les rendre virales. Cela devient un jeu or il y a une confusion claire entre la partie ludique et la partie informative. Julie Pascau parle des risques de la funnisation de la désinformation ou désinformation ludique.
L'enjeu éthique du lien très fort entre les mots, la critique et l'agir politique, fait qu'on ne peut pas jouer avec ces activités. Il ne s'agit pas seulement d'encapaciter les citoyens à bien se comporter/conformer, mais il s'agit de donner du pouvoir à chacun et des responsabilités qui vont le faire advenir comme sujet politique, sujet agissant, acteur. Cela passe non pas par une aisance à déceler et manipuler le faux, mais au contraire par une aisance et une confiance dans son droit et sa capacité à interroger le vrai.
C'est ce que les gouvernements autoritaires craignent. Non pas les mêmes drôles, mais les citoyens qui interrogent et veulent comprendre l'episteme de toute chose. Des citoyens qui ont une attitude critique, pour reprendre les mots de Foucault (1978), à savoir "une attitude comme une manière de se tenir, une disposition de l’esprit qui porte à agir et qui exige de prendre conscience des types d’évidences, de familiarités, de modes de penser sur lesquels reposent les pratiques que l’on accepte comme allant de soi afin qu’elles n’aillent plus de soi." (Foucault, 1978, cité par Mahmoudi, 2020).
Vous me direz peut-être, parfait on fait ça en bibliothèque. On adore apprendre aux gens à interroger les médias. Oui, mais la démarche critique ne peut reposer que sur des logiques rationnelles et argumentatoires : bien questionner, bien évaluer. La capacité à interroger, à créer des savoirs comporte comme on l'a dit une part de soi, une part de l'individu. Et cette part là, je crains que nous ne l'ayons pas encore assez travaillée. Elle implique de laisser la parole, de lâcher prise sur la maîtrise de la parole. Le texte de Hartley de 2018 invite à aborder la critique d'un point de vue systémique. Cela nécessite de s'inscrire dans un circuit d'information qui appelle au partage et donc à une réflexion sur l'ouverture et à la réception d'une diversité de savoir. C'est ce que j'appelle l'attention aux différentes intelligibilités et récits des manières d'habiter le monde. Sur ce plan, les bibliothèques devraient non seulement prendre leur part, mais encore peuvent être des lieux d’expérimentation et même des lieux modèles de la circulation de l’information, à condition d’être attentifs à des sources diverses de savoirs, des savoirs scientifiques aux savoirs profanes. On pourra ainsi travailler des sujets complexes, comme la question de la décolonisation des bibliothèques, on pourra construire des projets documentaires et de service qui répondent à ces enjeux avec un vrai travail intentionnel (audit intention, hospitalité), on pourra travailler à entendre les usagers et les habitants dans leurs problématiques conjointes de cultures et de territoire. C'est d'ailleurs la clé des droits culturels : la liberté de parole pour faire reconnaître et apparaître sa culture et sa dignité.
La participation sensible
Or justement, le 4ème axe de David Lankes est la participation. La question n'est pas tant de comment faire participer les personnes, mais de comprendre par quelles intelligibilités vont pouvoir émerger de cette participation, de penser le comment libérer véritablement la parole pour briser les mécaniques de l'inaudibibilité.
Donner la parole à chacun pour pouvoir entendre par les chemins par lesquels chacun peut s'exprimer (formes, supports), c'est un travail que doit faire le bibliothécaire pour s'assurer d'entendre les voix inaudibles. J'ai parler de LIRE ! Il faut aussi ECOUTER ! La participation en bibliothèque n'a pas pour objet de divertir les usagers. Elle a plusieurs effets, mais pour que la participation soit réussie, il faut qu'elle se fasse interaction, c'est-à-dire transformation de toutes les parties prenantes. En quoi les bibliothécaires sont-ils transformés quand ils proposent un projet participatif dans la bibliothèque ? Quand cela leur permet d'ouvrir leur connaissance du monde, de révéler leurs ignorances et de les mettre en position d'enquête à leur tour, d'enquête sur ce qui sera le plus apte dans la bibliothèque à rendre compte de la diversité du monde.
Ecouter ! et donc laisser s'exprimer. Pour les pragmatistes et Dewey notamment, on ne peut séparer tout à fait l' "opération d’examen rationnel" et les "affects et émotions". En d'autres termes, travailler la littératie sans travailler la reconnaissance du sensible dans la construction et l'expression des mots, idées et opinions, me paraît au mieux inopérant au pire préjudiciable. Pour ma part, j'aime faire se rejoindre Rancière dont j'ai parlé en intro et Dewey. Pour Rancière, les communautés se voient et s'entendent dans ce qu'elles manifestent de sensible, qu'il s'agisse d'art ou d'action politique. Or ce sensible s'inscrit dans des modes d'expression relatifs à la communauté et sont plus ou moins acceptés, identifiés comme discours, reconnus comme clés d'une capacité à agir des individus et des collectifs.
Il nous faut donc, dans la bibliothèque et dans nos pratiques participatives, tenir compte des pratiques de création et d'expression du sensible. Pour exemple, nous avons travaillé dans notre projet de recherche ECODOC à faire slamer par des usagers de la bibliothèque des données scientifiques. Il s'agissait de travailler la légitimité de chacun à pouvoir s'approprier la science, tenir un discours sur celle-ci, la comprendre comme process. Pourquoi le slam ? Parce que c'est une poésie qui se performe, qui se dit les yeux dans les yeux, qui se dit au monde, se partage et s'assume. Pourquoi la poésie ? Parce que la poésie s'autorise le fictionnel sur le vrai du ressenti, parce qu'elle joue avec les mots, les tords et les travaille pour faire advenir un sens qu'on croyait perdu ou auquel on ne croyait plus. Chamoiseau a écrit un texte dernièrement sur ce que la littérature peut quand elle ne peut pas, quand elle est empêchée par des guerres, des génocides, des régimes autoritaires, etc. Il consacre d'ailleurs plusieurs pages à ce que peut la poésie. La poésie fait un "récit de l'indicible" (Nouss, 1998) ; elle donne corps et rend audible, sonore ce qui sinon est inexprimable.
L'expérience menée avec le slam nous a confirmé que nous devons être à l'écoute d'expressions variées des préoccupations de chacun, sans classer ou hiérarchiser les formes par lesquelles elles s'expriment. On pourrait penser que l'expression très politique de certains textes est plus importante que l'expression d'une inquiétude très auto-centrée, or ce serait disqualifier ces expressions, sous prétexte qu'elles ne serviraient pas nos exigences conceptuelles (comme l'écrivait Charles, 2012). Il s'agit au contraire d'être en mesure d'entendre ces préoccupations dans toutes leurs variétés pour que nous puissions repenser les collections, la documentation comme un véritable reflet de la communauté sensible que nous formons. Je parle de repenser les collections, parce que l'enjeu est toujours celui de définir la place pour ses formes d'expression, ces témoignages, au sein de la bibliothèque, c'est ce que j'ai appelé l'hospitalité documentaire. Comme dit précédemment, cela implique un travail certain à faire sur le catalogue et sur les liens. Les liens entre les mots. Il s'agit bien pour le bibliothécaire de penser les relations : ce que l'on raconte et ce que l'on relit ; ce qu'on relie dans ce qu'on lit.
En créant ces liens, en donnant écho à ces voix inaudibles, en suscitant des débats et des nouveaux parcours de récits dans nos ignorances, la bibliothèque assume sa responsabilité face à la société. Elle assume d'avoir su lire l'eau trouble et d'inviter ses usagers à accepter de vivre dans le trouble, dans la reconnaissance que rien n'est facile, rien n'est évident pour qui veut vivre avec les autres. Mais regarder le trouble en face, c'est aussi lune étape clé, nécessaire pour déployer de nouveaux récits, de nouvelles littératures, de nouvelles actions qui seront de nouvelles fondations pour un monde qui n'en finira jamais d'être troublé et tant mieux.
Conclusion : danger ?
Quel beau métier, non ? Je crois profondément que le monde est en train de vivre une bascule autoritaire qui ne va pas s'arranger de suite. Alors, oui, la bibliothèque doit faire son travail de lien entre les mots et les cultures jusqu'au bout, parce que si la bibliothèque ne fait pas de passerelle entre les cultures, entre les mots par la culture, qui le fera ? Chaque artiste, chaque chercheuse crée son monde et ses mots, mais qui peut faire le lien ? Qui peut nous inviter à la poésie ? Qui peut nous offrir des portes de sorties, des mots à couverts, des interstices où naviguer entre les mondes ? J'ai dit : la bibliothécaire en tricoteuse, mais je devrais dire la bibliothécaire en dealeuse de mots.
Alors bibliothécaire : métier à risque ? A l'heure actuelle, les bibliothécaires sont dans certains pays empêchés de faire leur travail, mais ne risquent pas leur vie comme les militants écologistes risquent la leur. Il faut remettre le risque à sa place.
D'abord, ceux qui risquent vraiment, risquent déjà. Dans nos pays qui sont déjà ultra capitalistes et libéraux, un grand nombre de personnes sont déjà en danger, sont déjà vulnérables. Leur profil n'est pas celui des bibliothécaires, mais peut-être que certain.es parmi vous ont ce profil. Si vous êtes blanc, plutôt chrétien, que vous avez fait des études, et avez un niveau de vie vous permettant de vous loger et de manger, vous et votre famille, alors à l'heure actuelle, vous ne risquez pas grand chose. Si vous êtes le contraire, alors être bibliothécaire ou travailler en bibliothèque n'est pas ce qui vous rend vulnérable. Pour ces personnes vulnérables, la bibliothèque a une responsabilité : leur redonner dignité en montrant que nous sommes une institution qui les respecte, qui les voit et qui les entend.
Ensuite, les temps peuvent tourner, des gouvernements peuvent s'en prendre à la bibliothèque. Il existe des échelles du risque, dont une présentée par Peter Lor dans un ouvrage qu'on a publié ensemble en 2015. Un avantage que nous avons est que personne ne sait combien ce que nous faisons est important et même les attaques juridiques contre les bibliothécaires aux USA aujourd'hui sont liées à leur refus de censurer des livres, pas à tout le reste de leur travail qui en fait tout autant subversif pour qui veut lire. Néanmoins, si nous montons peu à peu dans l'échelle du risque, David Lankes nous dit : "dont look away" : documentez : entrer dans les mots. C'est ce qu'il s'est passé au Philippines. La part de conservation de la bibliothèque est ce qui non pas nous protège, mais protège la société. Nous avons là une responsabilité de garder trace !
Cela dit ne risquez pas votre vie ! Je ne dis pas qu'il faut vous sacrifier pour la cause, parce que vous être bibliothécaire. Je dis, et ce n'est pas la même chose du tout, que si vous avez choisi d'être bibliothécaire, vous avez déjà fait un choix. Ne me dites pas que vous avez choisi ce métier pour les horaires ? Pour le salaire ? Non, vous le savez comme moi, vous avez choisi de faire ce métier parce que vous aimez ce que les mots disent du monde, ce que les mots permettent de créer, de penser, de révéler, de construire, de renouveler. C'est un risque à prendre et vous l'avez déjà pris. Et pour ça, on peut déjà vous dire : Merci !
Merci !
Raphaëlle Bats
18/11/2025
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